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La Provence (coulée) et le Condorcet vus depuis le Commandant Teste (Collection Wilfried Langry) |
Le sabordage de la flotte
française en novembre 1942 reste un épisode douloureux et encore controversé.
Pourtant, il ne signifie pas tout à fait la fin des navires qui l’ont
constituée. Comme nous allons le voir, ils n’auront pas tous le même destin
final.
Le sort des épaves
Dès leur arrivée dans l’arsenal
de Toulon, les allemands prirent possession des installations afin de remettre
la base navale en état au plus vite. En effet, à ce stade de la guerre, l’Axe a
perdu l’initiative en Afrique et se prépare à défendre les côtes du sud de la
France. Les navires de haute mer n’intéressent pas l’occupant, qui, de toute
façon, n’a pas les moyens de les armer. La rade est rapidement débarrassée des
mines larguées lors de l’opération Lila (occupation du camp retranché de
Toulon). Les dernières charges posées par les marins français sur leurs navires
sont également désamorcées.
La nécessité de relever les
épaves qui encombraient les quais et les bassins se fit jour très rapidement.
Les allemands et les italiens se lancèrent donc dans des opérations de
renflouement d’une ampleur encore inconnue.
Une vingtaine de sociétés privées
furent engagées pour réaliser ces travaux. L’Allemagne avait pour unique
objectif de dégager les infrastructures de l’arsenal et la récupération de
petits navires nécessaires à la défense des côtes et au bon fonctionnement de
la base (navires auxiliaires, barges, remorqueurs…). Le reste des navires de
guerre a été attribué à l’Italie pour son propre usage. Lorsqu’une épave était
irrécupérable ou inutile, elle était démantelée sur place et l’acier envoyé par
chemin de fer en Allemagne ou en Italie pour alimenter les usines d’armement.
Ce sera le cas du Strasbourg, du Colbert, de l’Algérie, de la Marseillaise…
Certains servirent de caserne avant leur démantèlement comme le Condorcet
ou la Provence.
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La Provence en cours de démontage en avril 1943 (Collection Wilfried Langry) |
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L'arrière de la Provence, avril 1943 (Collection Wilfried Langry) |
Les italiens et la récupération des
navires français
Une partie des navires renfloués
sont remis en état par les italiens. Les navires de petit tonnage sont transférés
à la Kriegsmarine pour assurer la défense des côtes. La Bombarde (TA9), l’Iphigénie
(TA10), La Pomone (TA11) avaient déjà été remorqués jusqu’à La Spezia et
sont renvoyés à Toulon en avril 1943. Les La Bayonnaise (TA13) et La
Baliste (TA12) devaient les rejoindre par la suite, mais leur remise en
état ne sera jamais achevée. Du côté des avisos, les Chamois (FR53), Impétueuse
(FR54), Curieuse (FR55) et Dédaigneuse (FR56) ont été
renfloués et se trouvent en cours de réparation. Seules l’Impétueuse et
la Dédaigneuse étaient prêtent à rejoindre l’Italie lors de la sortie de
la guerre de ce pays.
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L'Impétueuse sabordée (Collection Wilfried Langry) |
Il apparut très vite que le seul
but des italiens était de s’arroger le plus de bâtiments français quand ils
pouvaient être remis en état et de s’approprier un maximum de matériaux
stratégiques dont ils avaient grandement besoin.
Un certain nombre de torpilleurs
et contre-torpilleurs étaient très peu dégradés et pouvaient être remis en
service rapidement. Entre mars et avril 1943, le torpilleur Trombe et
les contre-torpilleurs Tigre, Panthère et Lion
rejoignaient l’Italie.
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Le Tigre et la Panthère, intacts, après le sabordage (Collection Wilfried Langry) |
Bien évidemment, ces départs ne
se firent pas sans réaction des ouvriers français qui protestèrent en
ralentissant les travaux de renflouement ainsi que ceux de remise en état de
l’arsenal.
En septembre 1943, lorsqu’il
devint évident que l’Italie allait sortir du conflit, elle accéléra les
préparatifs pour le départ de nouveaux navires français. Ainsi, le sous-marin Henri
Poincaré et le torpilleur Le Hardi (FR37) furent remorqués
secrètement vers Gênes. Les ouvriers français protestèrent à nouveau en
arrêtant tous les travaux au profit des italiens. Ils bloquèrent ainsi le
transfert des Commandant Teste, La Galissonnière, et Jean de
Vienne. Une fois l’Armistice entre les alliés et les italiens connu, les
allemands empêchèrent tout nouveau départ vers un port italien.
La flotte symbolique
Il fut alors
convenu que toute épave de la flotte restait propriété française, du moins, en
principe. Les navires rapidement réparables étaient remis en état avec des ouvriers
français et confiés à la marine allemande pour la durée de la guerre. Les
navires irréparables devaient être ferraillés, et les matériaux envoyés en
Allemagne.
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Le Dupleix a brûlé complétement, il sera ferraillé (Collection Wilfried Langry) |
La Kriegsmarine proposa par la
suite de restituer à l’Etat français une « flotte symbolique »,
constituée de bâtiments réparables, dont l’Allemagne n’avait pas besoin pour
ses opérations en Méditerranée où qui demandaient un délai trop important de
réparation.
Après de longues tractations, ce
n’est qu’en avril 1944 qu’un accord fut trouvé. Les bâtiments de ligne Dunkerque
et Strasbourg, les croiseurs la Galissonnière et Jean de
Vienne, le Commandant Teste ainsi que tous les torpilleurs,
contre-torpilleurs et sous-marins non réclamés par l’Allemagne étaient
rétrocédés à la France.
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Le Strasbourg sabordé (Collection Wilfried Langry) |
Ce noyau de flotte était vraiment
symbolique car le Dunkerque et le Strasbourg étaient déjà en
partie démantelés, et de nombreux navires restitués étaient à nouveau au fond
de la rade ou très endommagés. Tous ces navires finirent par disparaître au
cours des bombardements alliés d’août 1944. Les ponts blindés du Dunkerque
et du Strasbourg servirent d’abri pour les ouvriers se trouvant à
proximité.
Epilogue
A la
libération du port de Toulon, il ne reste rien à récupérer des navires français
qui seront définitivement ferraillés. Il faudra attendre une dizaine d’années
avant de voir les restes de ces navires, autrefois si fiers, disparaître sous
les chalumeaux.
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Les restes du Dunkerque dans les années cinquante (Collection Wilfried Langry) |
Bonjour
RépondreSupprimerJe souhaiterais trouver un livre qui decrit tout ce qui vient d'etre dit ?
Bonjour,
RépondreSupprimerJe ne peux que vous conseiller le livre de Hannsjörg Kowark "Hitler et la flotte française" et "Toulon et la Marine" de Marc Saibène.
A bientôt sur Marine 1939.